Le commerce équitable, bien plus qu’un prix plus élevé!

Le commerce équitable, bien plus qu’un prix plus élevé!

FT banner.jpg10 octobre 2019

A l’occasion de la conférence sur le cacao et de la séance académique que nous avons organisées en mars 2019, nous avons mené une enquête auprès de différents groupements de producteurs, en collaboration avec le ‘Trade for Development Center’ des autorités belges, Oxfam-Wereldwinkels (Magasins du Monde), Rikolto, UGent et la province de Flandre orientale.

Ce que nous voulions surtout savoir, c’est ce que nos partenaires pensent de la certification de leurs produits. Voici nos principales conclusions.

Nous avons reçu des réponses de 16 groupements de producteurs qui travaillent tous avec un ou plusieurs organismes de certification fair trade et/ou agriculture biologique pour le cacao, le café et/ou les bananes.

Il en ressort que les labels impliquent une lourde organisation de suivi et que les coûts peuvent se révéler extrêmement élevés, surtout pour des groupements plus petits. Mais la contrepartie est d’importance: une augmentation des revenus (oui, le prix plus élevé est important!), dont une partie revient aux cultivateurs eux-mêmes et dont l’autre partie est consacrée à des initiatives collectives au sein des groupements de producteurs. S’y ajoutent :

  • un meilleur respect de l’environnement: c’est une évidence pour les producteurs bio mais même les groupements qui travaillent uniquement avec un label fair trade utilisent les entrants de manière plus rationnelle et veillent à utiliser des arbres d’ombrage, à faire de nouvelles plantations et à améliorer les pratiques agricoles.
  • le respect de la législation du travail et des droits sociaux: cet aspect est mentionné de manière explicite. Il concerne les droits des travailleurs mais inclut aussi le fait de veiller à ce que les enfants aillent à l’école.
  • une meilleure production: un rendement plus élevé mais souvent aussi une meilleure qualité qui peut déboucher sur de meilleurs prix, donc des revenus plus élevés.
  • une meilleure organisation: la gestion d’exploitation devient plus professionnelle et dynamique, le groupement de producteurs obtient de meilleures offres (par ex. pour l’achat groupé d’entrants), l'esprit d’équipe se développe et davantage d’opportunités commerciales se présentent.

A la question de savoir comment, au-delà du supplément de prix actuel, obtenir un meilleur revenu, de nombreuses suggestions tendent vers une plus grande diversification de la production: d’autres gammes de produits, ou des services, comme par exemple un moyen de transport propre au groupement et le tourisme. Des exemples concrets ont été donnés: poisson, farine de poisson et manioc, des activités qui peuvent aussi davantage impliquer les femmes. Transformer soi-même une partie de sa production est une autre piste envisagée, tout comme cibler le marché local. La niche de la qualité supérieure et des spécialités sur les marchés internationaux peut également être une piste pour certains.

Comment financer les investissements nécessaires à la diversification? En règle générale, les suppléments de prix obtenus grâce à la certification ne sont pas suffisants et il faut se tourner vers les dons et les prêts (e.a. d’Oikocredit).

Le financement d’investissements est également nécessaire dans d’autres domaines: l’amélioration de l’infrastructure ou des améliorations techniques, qui peuvent aussi résulter en des rendements plus élevés. Des exemples concrets nous ont été fournis: la réparation et l’amélioration de pompes à eau, l’amélioration de la fertilité du sol, la reforestation et la plantation de nouvelles variétés de meilleure qualité. D’autres suggestions, comme le renforcement du capital (afin de diminuer les charges liées aux emprunts) et l’accès plus aisé au crédit pour les membres du groupement, entrent dans le champ d’action d’Oikocredit.

Ce n’est pas une surprise, l’éducation et la formation sont mentionnées de nombreuses fois comme ressources, e.a. l’apprentissage de nouvelles techniques agricoles (comme par ex. l’utilisation d’engrais biologiques), la gestion financière, une meilleure connaissance du marché, … Mais cela aussi, il faut le financer.

Des propositions ont été émises dans l'objectif de rendre la certification plus efficiente et d'en diminuer le coût: une collaboration en profondeur des différents organismes de certification afin que les conclusions soient transférées de l’un à l’autre, des contrôles tous les deux ans plutôt que tous les ans comme c’est le cas actuellement et l’utilisation de nouvelles techniques afin que les contrôles soient plus stricts.

L’augmentation des débouchés commerciaux est une préoccupation de tous les groupements de producteurs. En effet, beaucoup de producteurs ne vendent qu’une partie de leur récolte aux conditions fair trade. Cela représenterait une grande différence pour eux s’ils pouvaient en vendre une plus grande partie aux conditions fair trade. Davantage de contacts directs entre les producteurs et les consommateurs sont préconisés a cette fin. En effet, les exportateurs qui servent actuellement d’intermédiaires sont parfois considérés plutôt comme un obstacle et comme un maillon supplémentaire dans la chaîne qui apporte peu de valeur ajoutée. Très logiquement aussi, les groupements de producteurs demandent davantage de promotion pour les labels et de lobbying pour le commerce équitable.

Une des conclusions de l’enquête est certainement que les labels ouvrent un monde de nouvelles possibilités, qui vont plus loin que l’aspect financier immédiat. La certification représente davantage que l’octroi et le suivi d’un label. Elle offre des possibilités d’améliorations, modestes mais qui ont leur importance et qui, tout bien considéré, sont réalisées avec relativement peu de moyens, surtout  si nous les comparons avec la manière dont fonctionne l’économie ordinaire. Pour les producteurs, l’impact du commerce équitable et la différence avec le commerce ordinaire sont considérables.

D’un autre côté, il ne faut pas non plus exagérer l’importance de la certification. C’est un fait que les labels ne garantissent pas partout un revenu décent qui permet aux producteurs d’en vivre, ni la suppression totale du travail des enfants. Mais ils ont effectivement une fonction exemplative de la manière dont la production et la commercialisation peuvent être réalisées de manière plus durable et plus éthique.

En fin de compte, nous n’échapperons pas à un prix plus élevé du cacao, pour les producteurs comme pour les consommateurs. Ainsi, il ressort d’une étude réalisée par Fairtrade Belgium et présentée lors de notre séance académique, que très souvent, le prix minimum actuellement garanti aux cultivateurs de cacao ne leur permet pas en fait de gagner véritablement un revenu décent. C’est dans ce contexte qu’il faut inscrire une récente décision d’Oxfam Fairtrade d’augmenter tant le prix qu’ils paient à leurs partenaires que le prix du chocolat Oxfam. Une décision courageuse qui mérite tout notre respect!

Elle sera mise en lumière le 12 octobre prochain dans le cadre d’une campagne spécifique: vous pourrez échanger un emballage de chocolat contre une barre gratuite du nouveau chocolat qui est désormais vendu dans les Magasins du monde, le chocolat “Bite to fight”.  Nous avons déjà pu le goûter et nous vous confirmons qu’il est absolument délicieux !

Marc Bontemps

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